Elise partage son expérience professionnelle en Grande Bretagne. Elle tient également un blog : "Une grenouille au pays des Rosbeefs".
À l’école ou en stage, tous les vétérinaires que j’ai pu croiser me disaient que les vet nurses aux US ou en Grande Bretagne, c’était le rêve : des professionnelles au top. J’ai donc voulu partir au Royaume-Uni pour compléter mes connaissances et acquérir des compétences. Au final, même si ça n’a pas toujours été facile, c’est un choix que je ne regrette pas. Et, s'il y en a parmi vous qui seraient tenté(e)s par l’aventure, voilà quelques clés, qui je l’espère, pourront vous aider !
Arrivée au Royaume-Uni :
Outre le logement, la carte SIM, et l’Oyster card à Londres, quand tu veux travailler en Grande Bretagne il te faut un NI Number (c'est un peu l'équivalent de notre numéro de sécurité sociale..). Il s’obtient en prenant rendez-vous dans un Job Centre (= Pôle emploi). C’est un numéro qui est propre à chaque résident du Royaume Uni. Il est unique et indispensable pour avoir un travail légal.
Ensuite, si tu veux devenir VN (Veterinary Nurse), tu dois contacter le Royal College of Veterinary Surgeons. Chaque Vetnurse, chaque Vet, chaque Human Nurse, chaque Doctor en Angleterre, doit être enregistré à l’Ordre de sa profession respective. Pour être une RVN (Registered Veterinary Nurse), il faut s’enregistrer auprès du RCVS. L’enregistrement, (la cotisation) est à renouveler tous les ans contre une poignée de livres sterlings.
Si tu es une Oversea vetnurse, c'est à dire que tu as eu ton diplôme ailleurs qu’en UK, tu dois compléter et envoyer au RCVS un dossier afin de prouver l'obtention de ton ou tes diplômes et de montrer tes compétences.
http://www.rcvs.org.uk/registration/how-to-register/overseas-qualified-veterinary-nurses/
L’anglais.
J’ai eu des cours d’anglais scolaire en France, mais les langues n’ont jamais été mon point fort. Du collège à l’université, jamais aucun prof d’anglais n’a vraiment réussi à me passionner. La grammaire, les verbes irréguliers c’est chiant et t’en vois pas l’utilité avant d’être complètement immergée dans le pays. Du coup, quand je suis arrivée à Londres, je savais à peine me présenter et mon accent n’était vraiment pas terrible.
Dans un premier temps, j’ai décidé de prendre des cours qui me permettraient de me sentir plus à l’aise à l’oral. On répétait des mots et des phrases jusqu’à ce que l’accent et la structure soient acquis. Après ça, j’étais un peu moins timide, et je me suis lancée dans le bénévolat dans une Pet Charity du Nord de Londres : The Mayhew Animal Home. Je m’occupais des chats, j’étais au contact des autres bénévoles et du staff, tous des anglophones. Mais il me manquait toujours la grammaire et les verbes irréguliers…
Du coup, je suis allée sur les vrais bancs de l’école ! Londres est divisée en “council” (= quartiers). Comme il y a une très forte proportion d’immigré étranger, certains councils ont eu la bonne idée de créer des cours d’anglais gratuits pour les adultes, généralement dans les écoles primaires.
Et puis j’ai trouvé un job, dans la clinique où je suis actuellement. Ma progression en langue, du coup, a été phénoménale ! Je suis entourée d’anglais : Angleterre, Pays de Galles, Irlande, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Etat-Unis, il ne manque qu’un écossais ! Je suis de plus en plus à l'aise en anglais. Et, grâce au latin, la pratique de l’anglais en médecine vétérinaire, n’est vraiment pas un problème. La plupart des noms « compliqués » viennent du latin ou du français, du coup, excepté la prononciation, ça fait de moi le petit génie de la clinique ! Avec mes collègues, mon niveau à l’anglais est bon, là où ça devient plus difficile c’est avec les clients. En France vous connaissez surement aussi ces clients qui n’osent pas appeler leur chatte une chatte, un anus un anus, etc… Ils emploieront toutes les métaphores du monde pour essayer de vous faire comprendre que leur chatte a un prolapsus anal suite une constipation de plusieurs jours. Et bien quand ces métaphores sont en anglais, ce n’est pas vraiment évident de comprendre de quoi ils essayent de me parler. Plusieurs fois j’ai été obligé de demander à mes collègues de les prendre au bout du fils parce que la conversation n’aboutissait pas.
Je n’ai passé aucun diplôme d’anglais, ni TOIEC, ni Cambridge. Le RCVS ne me l’a pas demandé pour le moment, et je n’en vois pas vraiment l’utilité.
Formations & Examens
Pour les courageux et courageuses qui voudraient passer leur diplôme directement en Angleterre, sachez qu’il y a différentes écoles.
Il faut aller dans un College (= université) qui propose des cours pour être vet nurse. Il y a différents Colleges, avec différentes règles, mais qui aboutissent tous au même diplôme. Au sud de Londres, il y a 2 principaux College qui proposent la formation : dans un cas les élèves sont à l’université 1 à 2 jours par semaine et le reste du temps en clinique, dans l’autre College, l'alternance est de 2 mois en clinique et 2 mois à l’université.
Tout personnel soignant vétérinaire, ayant travaillé depuis au moins 5 ans, peut postuler au près du RCVS pour passer le diplôme. Il faut alors envoyer un dossier complet, démontrant ses compétences.
Quel que soit le choix fait pour devenir vet nurse, les parcours aboutissent tous aux mêmes examens : 3 QCM (Sécurité & Loi, Anat & Physio, Lab & Imagerie), et l’OSCE (l’équivalent du Grall !) THE examen pratique !
Les QCM c’est : 300 à 600 questions, 4 propositions, 1 seule bonne réponse, pas de point négatifs, 1 minute par questions.
L’OSCE c’est : 12 sujets parmi 32, 6 minutes par sujet, 3 étapes clés rédhibitoires par sujets. De ma vie, c’est l’exam’ le plus dur que j’ai eu à passer : 6 minutes pour réaliser un Robert-Jones parfait… J’ai eu l’occasion de discuter avec d’autres overseas d’Afrique du sud ou d’Australie qui disaient ne venir en Angleterre que pour ce diplôme. Il est, parait-il, reconnu partout car réputé comme étant le plus difficile à obtenir.
Travailler en United Kingdom
Après avoir envoyé mon dossier au RCVS et perfectionné mon anglais, j’ai fini par trouver une clinique où travailler quelques jours par semaine. J’ai commencé comme kennel assistant, et au fur et à mesure des semaines, à force de travail et de motivation, j’ai fini par dégoter un job de veterinary nurse à temps plein.
Un temps plein en Angleterre, c’est minimum 40h par semaine. Les heures sup’ et les week-ends sont calculés sur le même taux horaire que des heures normales. Il y a en Angleterre, une semaine de moins de congés payés qu'en France (quatre semaines, donc). Le salaire de départ d’une RVN au UK est de 14000£ par ans. Il peut évoluer jusqu’à 25000£ par ans en fonction de la position occupée (Head nurse, Membre du RCVS, Examinateur,…) et des formations complémentaires (CPD) effectuées (y compris pendant la formation de départ). En Angleterre, le patron est roi, en France la protection du travail et du salarié est beaucoup plus importante.
Les anglais portent l’uniforme depuis qu’ils vont à l’école. Tous les personnels soignants vétérinaires à un code couleur unifié à travers tout le pays. De Portsmouth à Durham en passant par Londres, toutes les RVN sont en vert et les Student Veterinary Nurse en bleu (blanc rayé vert = anciens uniformes). [J’ai quand même pu voir un nurse, tout de vert vêtu, avec une crête punk rouge de 15 cm !]
Je suis arrivée en Angleterre en me disant : « Cool, tout ce que je fais illégalement en France, je vais pouvoir le faire aux yeux de tous en Angleterre. » FAUX ! Tout ce qui est illégal en France, reste illégal au UK. Interdiction de faire des injections intraveineuses, de poser des cathéters, d’intuber, d’induire une anesthésies, de détartrer ou de polir, de vendre des vermifuges si l’animal n’a jamais été vu au préalable, etc… Seuls les premiers soins sont autorisés ainsi que, tout autres actes sous la responsabilité du vétérinaire. Traduction : On a le droit de faire tout ce que le vétérinaire nous demande de faire. A nous de connaitre nos limites et de dire « Non, je ne veux pas, parce que j’ai n’ai jamais appris à… ». Les vet nurses n’apprennent pas à l’école à poser des cathéters, elles l’apprennent avec leur vétérinaire et ont la possibilité de faire des formations (CPD) sur ces sujets (sutures, traitement par voie intraveineuse, dentisterie,…)
Malgré tout, nous avons en Angleterre plus de prérogatives qu'en France. Les clients nous respectent, et nous écoutent. Bien sûr il y aura toujours ceux qui veulent parler UNIQUEMENT au vétérinaire, mais d’un point de vue strictement hiérarchique, mon supérieur c’est ma Head nurse, pas le vet ! (P.S. : Le stéthoscope autour du cou, c’est magique pour se faire respecter et écouter.)
Mon travail à Londres
Ma clinique, à prédominance canine, fait partie d’un groupe de cinq cabinets au sud de Londres. Il y a trois vétérinaires, dont une spécialiste en orthopédie. Il y a également deux réceptionnistes. Nous sommes six nurses (Register Veterinary Nurse = RNV, et Student Veterinary Nurse = SVN) à nous relayer tous les jours de la semaine et le week-end. La clinique est ouverte du lundi au vendredi de 8h à 20h, le samedi de 9h à 16h et le dimanche de 10h à 16h.
Une journée type commence à 8h avec les soins des animaux hospitalisés et en pension. De 9h à 12h, deux vétérinaires consultent pendant que le 3ème finit les soins et commence les chirurgies. De 12h à 15h, les pauses déjeuners et les chirurgies se succèdent. L’après-midi, deux vétérinaires sont en consultations pendant que nous nous occupons de nos patients hospitalisés. De même, nous avons, nous aussi en tant que nurses, nos propres consultations ; nous faisons les coupes de griffes, les secondes vaccinations chez les chiots et chatons (hors rage), les séances de KLaser, les retraits de points, etc. De midi à 15h, nous sommes chargées de nettoyer les salles de consultation ainsi que la salle d’attente. Les salles seront nettoyées à nouveau entièrement à la fermeture de la clinique.
Nous sommes équipés d’une salle de préparation, d’un laboratoire, d’une radio semi-numérique (avec cassette), d’un échographe, d’une tour de laparoscopie, de deux salles de chirurgies (dont une réservée aux chirurgies orthopédiques), d’un chenil, d’une chatterie, d’une quarantaine, d’une pharmacie et de deux salles de consultation.
Je suis leur nouvelle orthopedic et laparoscopic nurse. Je gère la salle de chirurgie et les instruments dédiés, je monitore ces chirurgies, et m’occupe des radios pré et post-op. Quand certains patients ont besoin de rééducation, je dois trouver des exercices de physio’ à leur faire faire, ou prévoir des séances de KLaser.
Mes patients francophones (souvent bilingues) sont mis sur un piédestal, et peu importe leurs motifs d’hospitalisation, je deviens leur nurse personnelle. C’est grâce à eux que je me perfectionne chaque jour d’avantage. Je dois être capable de répondre à toutes les interrogations des clients. Ca veut dire que je dois très bien connaitre mon sujet en anglais, pour pouvoir le traduire et rassurer les clients. Comment va se dérouler telle ou telle chirurgie ? Comment va le foie de Kiki et comment cela va peut-être évoluer ? Dans les cas où les clients ne parlent pas bien anglais c’est d’autant plus important pour moi, impossible de me défausser en disant « Ne vous inquiétez pas, le vet’ va vous expliquer. »
A l’inverse, j’ai aussi des patients anglais qui partent en France, pour des vacances par exemple. Là, ce sont des questions de vocabulaire que l’on me pose. « Et s’il fait une crise d’épilepsie pendant nos vacances à Paris, comment dois-je le dire au vétérinaire français?... » Il s’agit de rassurer le client « Ne vous inquiétez, tous les vétérinaires parlent anglais » {N’est-ce pas ?} et de leur donner une petite note écrite en français. « Bidule, souffre d’épilepsie, il est couramment traité avec bla bla … ». 40h par semaine, ça ne parait pas énorme. Pourtant, 40h, en anglais, je vous assure c’est épuisant. Quand j’ai un client à qui je peux parler français, c’est à la limite reposant, surtout quand vient le vendredi soir !
Professionnellement et personnellement, devenir veterinary nurse à Londres est l’une des expériences les plus enrichissantes de ma vie. Non seulement j’en apprends toujours plus sur mon métier, mais je découvre également le Pays de Rosbeefs. Je vous invite d’ailleurs à suivre les aventures et découvertes de mon Prince Charmant, notre Fidèle Félin et Liilly Grenouille sur le blog : Une Grenouille au Pays des Rosbeefs [ http://grenouilleaupaysdesrosbeefs.overblog.com/ ]