ASVinfos a demandé à l'une d'entre elle de répondre à quelques questions.
Bonjour Sarah, tu es ASV, mais tu as un statut peu courant dans notre métier, tu n'es pas salariée, tu es à ton compte : tu es ASV "prestataire de service" et tu travailles pour tes clients qui sont des structures vétérinaires, c'est bien ça ?
Bonjour, effectivement je suis en statut libéral depuis 1 an maintenant !
Après avoir été salariée pendant 5 ans dans différentes structures comme des CHV ou des cliniques de référés, j’ai fait le choix de quitter “mon graal” (CDI 35h) pour me mettre à mon compte. Pour vivre heureux, soyons fous !
Je suis ce qu’on appelle une ASV de "back-side" (ou "back-office", ou "à l'arrière"). De celles qui fuient quand elles voient le mot « accueil »… (« un…Milbéquoi ? »)
Plus sérieusement, j’aime les soins, et les urgences.
C’est donc tout naturellement, que j’ai choisi le statut d’AEL (Auto-Entrepreneur Libéral) pour pouvoir pratiquer au mieux cette passion.
Comme vous le savez, rares sont les structures qui,en dehors des heures d'ouverture des cliniques,emploient vétérinaire et ASV pour assurer la prise en charge des urgences.
Et, quand c’est le cas, cela coûte cher en main d’œuvre et le recrutement de personnel travaillant la nuit, les week-ends et les jours fériés n'est pas simple : les postes sont donc quasi inexistants en dehors des cliniques des ENV ou des CHV>.
Je travaille donc essentiellement dans un service privé d’urgences, les soirs, nuits, week ends et jours fériés (structure qui possède son propre service de soins intensifs).
J’alterne, au sein du service, entre le poste d’ASV et celui de régulateur téléphonique.
Mais comment as-tu eu cette idée ?
Je travaillais en clinique de référés avec une amie vétérinaire, qui elle même travaillait au sein du service d’urgences. C’est elle qui m’a suggéré de postuler pour devenir régulateur téléphonique aux urgences.
J’ai, dans un premier temps, cumulé les 2 emplois, pendant environ 3 mois, en enchaînant les journées en salariat, et les nuits et weekends en indépendant.
Au début, ça ne devait être qu’un complément de salaire… Puis, pour des raisons personnelles, j’ai décidé de quitter mon CDI pour me consacrer aux urgences.
Est-ce légal ?
Oui ! Sinon je ne le ferais pas ! Mais il est vrai que le pas vers l’illégalité peut vite être fait, et c’est pour cela qu’il faut être extrêmement vigilant.
Il est impératif d’être conscient des limites imposées par la loi. Car les conséquences sont de l’ordre du pénal ! (Je vous laisse consulter les fiches de poste, ainsi que le Code rural, ou la définition du poste d’ASV sur le site de l’Ordre national des Vétérinaires.)
Maintenant que je suis "Le Boss", les responsabilités de boss m'incombent.
Il faut être encore plus rigoureux sur les soins que j'effectue, car je pourrais être soupçonnée d'exercice illégal de la médecine vétérinaire. Il me faut veiller à rester dans le cadre de mes fonctions, afin qu'il n'y ait pas de problèmes.
Coupe de griffes : OK
Pose de KT : PAS OK
Brancher une tubulure : PAS OK
Toilettage (vigile) : OK
Refaire un pansement : PAS OK
Je ne vais pas dresser la liste, car ce témoignage atteindrait vite les 3 tomes, mais c’est pour donner des exemples.
Quels sont les points qui te paraissent important dans ce statut d'auto-entrepreneur ?
S'assurer en responsabilité civile professionnelle
Si vous envisagez de vous inspirer de mon expérience, je vous conseille donc de bien vous protéger, et de souscrire une RCP (assurance Responsabilité Civile Professionnelle) qui vous aidera en cas de litige. Ce n’est pas obligatoire, mais me parait indispensable ! De plus, certains clients vous imposeront d’en avoir une.
Prévoir une couverture des soins en cas de maladie ou d'accident
Il n’y a pas que la RCP qui est conseillée, il faut aussi penser à votre couverture en cas de maladie ou d'accident. Tous les mois, en payant vos charges, vous cotiserez à ce qui est l’équivalent de la CPAM pour les salariés, c’est le RSI (Régime social des Indépendants). Les taux de remboursement du RSI sont identiques à ceux du régime général des salariés. Souscrire à une assurance complémentaire santé (appelée souvent une "mutuelle") assurera le remboursement du reste à charge après remboursement du RSI. Il est aussi conseillé de souscrire une assurance couvrant une éventuelle invalidité (la perte de l'usage d'une main par exemple).
Penser à des solutions en cas de "perte de revenu"
Il faut aussi prendre en compte qu'en cas de maladie, arrêt de travail, grossesse, ou incapacité de travail, il n'y a plus de revenus pour une personne qui travaille en indépendant. Il faut y penser car vous pouvez souscrire à une assurance "perte de revenus", qui vous assurera, en fonction du niveau de contrat choisi, un minimum de revenu, pour une durée et un montant eux aussi déterminés selon le contrat.
Par exemple, si votre niveau de vie moyen implique que vous dépensiez 1200 € par mois (loyer, assurances, courses, essence….), assurez-vous au moins pour ce montant. Il peut, évidemment être plus élevé, la prime étant proportionnelle au montant des indemnités journalières que vous voulez recevoir.
Obtenir des contrats quand on est à son compte peut être très fluctuant, et si vous ne voulez pas avoir d’ulcère à cause du manque ou de la perte de revenus, ce type d'assurance peut vous assurer une certaine sérénité. Attention, il faut bien lire les petites lignes, car des délais de carence sont souvents appliqués avant de pouvoir toucher ces indemnités.
Bien que je me considère comme jeune, et prête à déplacer des montagnes, les contrats concernant la retraite, l’assurance décès, l'invalidité totale ou partielle font partie des questions que je dois étudier aujourd’hui !
C’est à chacun de choisir son degré de couverture en fonction de ses besoins, ainsi que le montant que vous souhaitez allouer à ces assurances.
Rappelez-vous : si vous ne travaillez pas (et que vous n’avez souscrit aucune assurance), vous n’aurez pas de revenu ! Bien étudier sa protection santé, revenu, invalidité (totale ou partielle), retraite et décès est donc primordial ! Il ne faut donc surtout pas se jeter dans l’aventure avec précipitation.
Est-ce difficile de gérer son entreprise ?
Début 2016, j’ai donc créé mon statut d’AEL (Auto-Entrepreneur Libéral). Je suis devenue une entreprise !
Pour cela, rien de compliqué. Il suffit de se rendre sur le site « l’auto-entrepreneur.fr » de remplir un formulaire (10 min montre en main), et le tour est joué. (À noter : c'est totalement gratuit, ne pas se laisser abuser par des offres payantes.)
3 jours plus tard, on reçoit son N° de SIRET, et l’aventure commence !
Auto-entrepreneur ? C’est quoi au juste ?
Bien que ce mot soit long et pénible à écrire (pour la suite on emploiera AE), il y a en fait beaucoup d’avantages derrière ce statut.
Tout d’abord, c’est rapide à créer.
Ensuite, je pense que c’est fiscalement avantageux, car le montant des charges est relativement bas (24.8%).
En tant qu’AE, je ne touche pas de salaire, mais je gagne un chiffre d’affaires (CA) qui correspond à une prestation de service, que je facture à mes clients ! Hé oui ! Le vétérinaire pour qui vous allez travailler ne sera plus votre patron, mais votre client ! Vous travaillerez cependant sous son contrôle et sa responsabilité.
Vous lui présenterez votre facture de prestation de services en fin de période : la somme reçue constitue un chiffre d'affaire brut (vous aurez à en retirer les charges et frais avant de savoir quel est votre bénéfice net).
Ce même chiffre d’affaires doit être déclaré mensuellement ou trimestriellement (selon l’option choisie lors de la création du statut). Tout est centralisé sur le site «lautoentrepreneur.fr». C’est là qu’on créé son statut, qu’on déclare son chiffre d'affaire (mensuel ou trimestriel) et c’est via ce site qu’on paye ses cotisations (charges).
Le montant de vos charges est directement prélevé sur votre compte en banque tous les mois (ou par trimestre). Par exemple, pour un chiffre d’affaire de 2000€ : 2000 – 24.8% (forfait des charges du statut AE) = 496€ (charges à payer) Il vous restera donc 2000 - 496 = 1504€ dans votre poche (il faudra ensuite soustraire vos frais d'assurance et vos frais professionnels pour savoir quel est votre bénéfice net !).
Un plafond de chiffre d'affaire à ne pas dépasser
Mais attention ! L’AE ne doit pas dépasser un chiffre d'affaire de 32 900 € par an (vous suivez avec toutes ces abréviations ?!) et croyez-moi, on y arrive vite… Pour éviter de changer de statut parce que j'aurais trop gagné (oui, c’est possible), j'ai choisi de ne pas travailler pendant certaines périodes, pour lisser mon CA à l’année et ne pas dépasser ce plafond !
Comme nous ne sommes pas assujettis à la TVA, nous ne pouvons rien déduire (frais kilométriques, l’ordinateur portable acheté pour le boulot, les Crocs, les tenues…) RIEN ! Ce que l’on ne nous dit pas, c’est que, certes le statut est facile et rapide à créer, mais qu'ensuite on n'est pas forcément aidé et conseillé, et qu'il ne faut pas avoir peur de se battre avec le RSI, l’URSSAF, les impôts…
Et comme on est son propre patron, et bien il faut tout gérer soi-même !
La comptabilité est assez simple, puisqu’en dehors des charges automatiquement prélevées selon le prorata de votre CA, il n’y a rien à faire. Ce qu’il vous reste constitue votre salaire. Vous pouvez toutefois vous faire aider par un comptable (auquel il faudra verser des honoraires), ou par une Association de Gestion (à laquelle il faudra adhérer) si vous ne comprenez rien à tout cela.
En fin d’année, vous ne payez pas non plus d’impôts sur le revenu (si vous avez opté pour le prélèvement de l’impôt libératoire lors de votre inscription en tant qu’AE), puisque vos impôts sont prélevés en même temps que vos charges (mensuellement ou trimestriellement) selon votre CA.
Le prélèvement libératoire de l’impôt, c’est le prélèvement à la source (qui sera bientôt appliqué pour les salariés).
Comment facturer ?
Dorénavant, vous n’attendrez plus avec impatience votre fiche de paie, car c’est vous qui réaliserez vos propres factures.
Pour cela, il vous faudra évaluer le taux horaire minimum à facturer pour rentrer dans vos frais. Basez-vous sur le salaire de la convention collective, n'oubliez pas d'intégrer votre ancienneté.
Ajoutez à ça vos frais incompressibles mensuels (assurances santé/prévoyance citées ci-dessus, frais de déplacements…) car, rappelez-vous, vous ne pourrez rien déduire avec ce statut d'auto-entrepreneur. Prenez en compte le fait que vous n'aurez pas de congés payés (qui correspondent à 10% du salaire brut d'un salarié).
Éventuellement, pourquoi pas ne pas ajouter un “plus” pour que ce taux horaire soit plus intéressant que si vous étiez en salariat ! Mais attention, il ne faut pas être trop gourmand, car si votre taux horaire est trop élevé, les clients ne voudront pas travailler avec vous...
Tout cela aboutit à un montant brut que vous facturez à l’heure. (Montant duquel il faudra évidemment déduire les 24.8% de charges pour savoir ce qu’il vous restera au final). Pour vous donner un ordre d’idée, demander entre 20 € et 24 €/h HT est correct, cela devrait vous permettre à la fois de rentrer dans vos frais, de trouver des missions assez facilement, et d’avoir un revenu plus intéressant qu’en salariat.
Votre facture devra comporter des mentions légales obligatoires. Pour cela, rendez-vous sur le site du gouvernement, tout y est détaillé : www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F31808
Est-ce difficile de trouver des clients ?
Je suis assez mal placée pour répondre à cette question, car j’ai plutôt beaucoup (vraiment beaucoup) de chance dans ma carrière depuis le début. Je n’ai quasiment jamais été en recherche d’emploi (hormis pour mon premier poste). Mais une fois le “pied dedans”, j’ai toujours été recrutée par des structures toujours plus grosses à chaque fois, sans même avoir sollicité l'entreprise qui venait me chercher. Et lorsque j’ai postulé au Service d’urgence, ma vie ne dépendait pas de ce travail, étant donné que j’étais en poste en CDI ailleurs.
Cette chance me suit en tant qu’auto-entrepreneur !
Comme je l’ai dit, je suis "ASV collaboratrice libérale" pour un service d’urgences privé. Cette activité étant sufisamment lucrative pour moi, je n’ai en réalité pas besoin deproposer mes services ailleurs. Je le fais seulement très ponctuellement, et j’ai le luxe de ne le faire que si j’ai envie de travailler ailleurs !
Ce statut offre une grande liberté d’horaires (pour moi une journée normale de travail dure au minimum 13h, et mes vacations vont jusqu’à 48h en garde les week-ends). Je donne mes disponibilités horaires à mon client en début de mois, c’est moi qui gère mon planning.
Je travaille la nuit, les week-ends et les jours fériés (en fait on ouvre quand les cliniques vétérinaires ferment et on ferme quand vous ré-ouvrez) du coup j’ai toutes mes journées de libres ! J'organise mon temps comme je l’entends !
J’assure en parallèle une activité secondaire de garde d’animaux à domicile.
J'ai donc des clients qui sont des particuliers et je vais chez eux m'occuper de leurs animaux, en assurant si nécessaire des soins de base (nettoyages d’oreilles/yeux, coupes de griffes…). Pour proposer ce service j’ai créé un site et réalisé des flyers et des cartes de visite pour en assurer la promotion. (Je les diffuse dans les cliniques vétérinaires, et je compte aussi sur les réseaux sociaux et le bouche à oreilles).
Je fais des remplacements en clinique
Etre AE me permet de faire des remplacements au pied levé dans des cliniques (congés maladie...) sans paperasse ni contraintes pour l'employeur, car c’est moi qui gère tout ça (mes charges, les contrats de mission...)
Il n’y a qu’à fixer les modalités de la mission (on signe une convention de collaboration) et en fin de période je lui envoie ma facture, qu’il me règle (et moi je paye mes charges et impôts directement sur ce chiffre d’affaire réalisé).
ULTRA SIMPLE ! Plus de soucis de durée légale minimum ou maximum de travail quotidien, de durée de contrats....
Pour le moment, pas de souci pour moi, je suis tout le temps en “contrat”
Mais attention, je pense que c’est une chance, et que c'est exceptionnel... Le service d'urgence reconduit notre collaboration tous les mois.
L’auto-entreprenariat est mon activité unique et principale, et je vis deux fois mieux (salaire et temps libre) que lorsque j’étais titulaire de mon poste en CDI en clinique !
C’est aussi très avantageux pour le vétérinaire employeur ! Il ne subit pas les contraintes de gestion d'un salarié, n'a pas à faire établir contrat , avenants et bulletins de salaire, n’est pas limité dans les heures de travail, peut embaucher autant de fois qu’il veut la même personne sans se soucier de la durée (courte ou longue).... Entre autres choses !
En conclusion ?
Moralité, ce statut offre une grande liberté, mais il faut être rigoureux, et surtout motivé et courageux, pour que ça soit rentable. Je travaille environ 50 à 60h par semaine, en ne vivant que de ça, car je ne suis plus salariée). En journée, mon temps est libre, pour mes loisirs ou me rendre aux visites à domicile, ou sur les dépannages en cliniques.
Je pense que c’est un bon statut pour arrondir les fins de mois quand on est salarié. Ça permet de travailler légalement au-delà de 35h par semaine.
Dans auto-entrepreneur, il y a “entrepreneur”. Je pense que c’est le mot clé du statut. Ne vous lancez pas si vous n’aimez pas le risque, l’incertitude, et le changement. Les baisses soudaines de chiffre d’affaire riqueraient de vous donner des sueurs froides !
Il faut aussi savoir mettre de côté “les gros mois”, en prévention de ces baisses pour les mois les plus creux, pour être en capacité financière de subvenir à ses besoins lorsqu’on touche beaucoup moins.
Ce statut, pour les ASV, n’en est qu’à ses balbutiements mais je pense qu'il pourrait se développer. J’espère qu’il sera accompagné, un jour, de plus de responsabilités. Je fais le voeux que le métier évolue, et tende vers la reconnaissance de spécialisations qui permettraient de travailler de la même manière qu’une infirmière libérale exerce son métier. Mais ça, c’est un autre sujet !
Informations complémentaires d'ASVinfos
Pour avoir avoir de l'aide avant de vous lancer (quelle que soit l'activité envisagée hors salariat), pensez à vous inscrire aux formations à la création d'entreprise que proposent les chambres de commerce et d'industrie, et à prendre contact avec des associations comme "Entreprendre au féminin", "Action Elles", "Femmes entrepreneurs", etc.
Service existant : Adopte une ASV : https://www.facebook.com/adopteuneasv
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